Hidalgo, candidate de la gauche sociale-démocrate ? …Hidalgo, candidate de la gauche ? …Hidalgo, candidate ? … Car enfin, avant même de considérer la ligne politique de sa candidature, il s’agit de savoir s’il y a bien candidature. L’Élysée ? Surtout pas ! déclarait-elle au micro de Quotidien en juin dernier alors qu’elle était en pleine campagne municipale, s’estimant en effet « comblée » par la mairie de Paris. Depuis, le discours a changé. Le désintérêt laisse aujourd’hui place à la responsabilité : « je savais qu’en étant réélue [maire de Paris], il y aurait sans doute quelque chose à faire, de l’ordre de prendre la parole, essayer de rassembler des femmes et des hommes qui ont envie d’une autre option que le duel Macron - Le Pen qu’on nous annonce ». Pense-t-elle être cette option bis capable d’éviter « le pire », à savoir le duel Macron - Le Pen au second tour ? Aurait-elle la moindre chance de remporter l’élection présidentielle de 2022 ?

Crédits : Henri Garat/Mairie de Paris
I. Quelle stratégie adopte-t-elle pour sa pré-campagne ?
« Y penser toujours, n’en parler jamais » suggère la journaliste Léa Salamé à Anne Hidalgo au sujet de sa potentielle candidature à la présidence de la République. Bien évidemment, la maire de Paris nie en bloc. Ce serait avouer un calcul politique bien éloigné de l’image humaniste et engagée qu’elle souhaite instaurer. « Ma place, ma modeste place est d’aller rencontrer, discuter avec les élus, les associations, les organisations syndicales pour construire ensemble. » avait-elle affirmé lors d’une rencontre avec le maire de Nancy le 19 février. Pourtant, beaucoup de ses agissements amènent à penser qu’elle prépare activement sa campagne pour l’élection présidentielle.
Son tour de France
Certes, être maire d’une grande ville de France implique des déplacements vers les autres métropoles pour créer des synergies territoriales. Néanmoins, ces voyages peuvent aussi être très utiles pour se faire connaître auprès de la population. Déjà Rouen, Nancy, Montpellier, bientôt Bordeaux, la maire de Paris multiplie les rencontres en ce début d’année. Que ce soit pour réactiver le projet « Axe Seine », pour participer à un rassemblement de l’Association internationale des maires francophones ou pour exprimer sa peur du « chaos » en cas de victoire de l’extrême droite en 2022, tout est bon pour aller saluer la population. « On veut mettre le paquet sur les grandes villes et les banlieues. Les gens ne la connaissent pas et vont découvrir qui elle est.» dévoile l’un de ses conseillers. En effet, il s’agit de casser l’image trop parisienne d’Anne Hidalgo et de la présenter comme la candidate des classes populaires en jouant sur son histoire de fille d’immigrés espagnols et son enfance dans une cité de Lyon.
Sa plateforme « Idées en commun »
Anne Hidalgo se veut proche des Français et à ce titre lancera prochainement sa plateforme « Idées en commun » recueillant les suggestions des citoyens. Le concept n’est pas neuf. Il n’est qu’une revisite à l’échelle nationale et internationale de « Paris en commun », la plateforme qu’elle a mis en place lors de sa campagne pour la mairie de Paris en juin dernier. Hidalgo met également en avant ses désaccords avec le président sortant. Elle appelle par exemple à un plan d’urgence pour la jeunesse qui prendrait la forme d’un RSA jeune, 500€ par mois pendant 3 ans et sans conditions de ressources pour ne pas défavoriser les classes moyennes en difficulté. À ce jour, c’est une mesure que le Président Macron refuse. Anne Hidalgo ne manque pas non plus une occasion de souligner l’incompétence du gouvernement dans la gestion de l’épidémie et sur le plan de relance. « Il faut arrêter d’opposer les élus locaux au gouvernement. Il faut nous écouter » s’insurge-t-elle. Ainsi, jusque-là rien de très neuf, la stratégie d’Anne Hidalgo rejoint celle de tout opposant politique.
Sa lutte contre EELV
Sur l’échiquier politique, la voix écolo-socialiste qu’Anne Hidalgo veut incarner pour la présidentielle ne laisse pas de place à un concurrent écologiste. Elle adopte donc une stratégie offensive : « Le moment de l’écologie est venu oui, mais pas celui des Verts. » rétorque son camp à Yannick Jadot. La prétendue réticence des Verts à renommer une place « Samuel Paty » offre ainsi une occasion rêvée à la maire de Paris pour leur demander d’éclaircir leur rapport à la République. En effet, les Verts sont davantage portés sur les questions de minorités, au point d’en délaisser le principe d’égalité républicaine aux yeux des autres partis. Il s’agit là d’un point faible des écologistes généralement exploitée par les élus de droite ou d’extrême droite mais plus inattendu chez les partenaires de gauche. C’est donc un jeu dangereux pour la maire de Paris qui pourrait à terme fracturer sa majorité municipale tout comme l’unité pour la présidentielle, car rappelons-le, Anne Hidalgo ne peut se passer du soutien des écologistes pour 2022.
Le renforcement de son réseau
Pour 2022, Anne Hidalgo prépare le terrain et structure ses équipes. En effet, elle peut compter sur ses fidèles de la mairie de Paris, notamment son premier adjoint, Emmanuel Grégoire qui prendrait sa suite en cas de victoire à l’Élysée. De nombreux élus sont aussi derrière elle et la soutiennent comme les sénateurs socialistes Rémi Féraud et Bernard Jomier ou encore le maire du 13ème arrondissement Jérôme Coumet. En parallèle, Anne Hidalgo renforce son réseau au sein du PS en rencontrant de nombreuses figures du parti comme François Hollande, Laurent Fabius ou Lionel Jospin. De plus, au-delà même des socialistes, c’est toute la gauche qu’Anne Hidalgo veut rassembler : le PS, Génération.s (le parti de Benoît Hamon) mais également les communistes.
En somme, son objectif est de reproduire à l’échelle nationale l’alliance rose-vert-rouge qui lui a ouvert les portes de l’Hôtel de Ville. Cependant, à l’heure actuelle, un tel scénario paraît quasiment impossible. Jean-Luc Mélanchon possède en effet une base électorale solide (17% d’intention de vote au premier tour selon Harris Interactive en janvier 2021) et pèse donc beaucoup plus lourd qu’Anne Hidalgo avec ses 6% d’intentions de vote. Ce qui est sûr cependant, c’est qu’Anne Hidalgo devra grappiller le plus de voix possible en dehors de la gauche traditionnelle « Elle ne peut pas se contenter de l’espace politique entre Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon, même si le glissement à droite de La République En Marche a libéré un peu de place à gauche » affirme l’un des stratèges de sa précampagne.

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II. Quels obstacles se dressent devant elle dans sa course à l’élection présidentielle ?
Sa notoriété
Piétonisation des voies sur berge, réduction de la vitesse en ville et sur le périphérique, suppression des armes létales pour la police municipale, plantation de forêts urbaines sur les parvis de l’Hôtel de Ville ou de la gare de Lyon, ce sont autant de projets réalisés ou en devenir qui déchainent les passions au sein de la capitale. En effet, celle que l’on surnomme « la Reine des Bobos » peine à convaincre hors de son camp. Tandis qu’elle jouit d’une très bonne image auprès du Parti Socialiste et chez les Verts, elle est détestée par l’électorat de droite qui la juge sectaire, autoritaire et très mauvaise gestionnaire.
Néanmoins, son plus gros défi en termes de notoriété se trouve au-delà du périphérique, en Île-de-France d’une part et dans le reste des régions françaises d’autre part. Au sein de la région francilienne, elle est souvent tenue responsable de la congestion croissante aux abords de Paris. En province, son image de bobo parisienne lui colle à la peau. « Les électeurs hors de Paris ne se reconnaissent pas dans ses actions » affirme un ministre du camp Macron. Ainsi pour plaire aux Français, Anne Hidalgo devra se défaire de cette étiquette de « reine des vélos à la tête d’une croisade contre les voitures »…et vite. En effet, d’après les enquêtes d’Harris Interactive, sa cote de départ est très faible avec seulement 6% d’intentions de vote au 1er tour. 6%, c’est un score douloureux qui rappelle le revers qu’a essuyé Benoît Hamon, le candidat de la gauche à l’élection présidentielle de 2017.
Malgré cette douche froide, le camp Hidalgo ne se démobilise pas. « Cela indique que les Français ne sont pas prêts à juger un responsable uniquement sur sa personnalité et sa notoriété, ils veulent en savoir davantage sur la ligne, le projet" analyse Olivier Faure, premier secrétaire du PS. Une question de temps donc ?
L’ambition d’Europe Écologie Les Verts (EELV)
En parlant de temps justement, les écologistes, galvanisés par leur succès aux élections municipales, sentent leur heure de gloire approcher. « Le temps de l’écologie est arrivé » assure Yannick Jadot, placé à 7-8% des intentions de vote au 1er tour selon l’enquête Harris Interactive. Cette fois, le député EELV (Europe Écologie Les Verts) ne compte pas se retirer au profit d’un candidat de gauche comme il avait pu le faire en 2017 avec Benoît Hamon. Éric Piolle, le maire écologiste de Grenoble ou encore la féministe Sandrine Rousseau ne cachent pas leur ambition non plus.
Or Anne Hidalgo est tributaire de l’alliance rose-vert-rouge. Cette entente lui a ouvert les portes de Paris en 2014 et puis à nouveau en 2020. Ainsi, pour passer au second tour, elle doit pouvoir compter sur l’électorat écologiste. Un tel scénario la porterait à 16% des voix au 1er tour selon l’enquête Ipsos-Sopra Steria.
L’éclatement de la gauche
Cependant ce Graal des 16% ne saurait être atteint sans le soutien uni de la gauche ou plutôt des gauches, ces gauches « irréconciliables » comme l’avait théorisé Manuel Valls, le candidat à la primaire de la socialiste pour 2017. Rassembler à gauche, une mission impossible donc ? D’après le sénateur socialiste, Rémi Féraud, « la seule qui peut tout bousculer, c’est Anne Hidalgo. […] Le plus probable, c’est que la gauche n’arrive pas à trouver son chemin, mais s’il y a quelqu’un qui n’est pas fataliste, c’est bien elle ! ».
De plus, de nombreuses études montrent que l’opinion des Français s’est déplacée à droite ces dernières années. On estime en effet que les candidats de gauche ne rassembleraient que 30% à la présidentielle de 2022 contre 70% pour la droite large (macronistes, droite modérée et extrême droite). Contrairement à la ville de Paris située au centre-gauche, l’Hexagone ne constitue pas un terrain favorable à sa ligne politique.
Finalement, compte tenu de ces obstacles, la candidature d’Anne Hidalgo est à ce jour encore hypothétique. Il faudra attendre septembre pour savoir si elle se lance dans la course vers l’Élysée ou non. Néanmoins d’ici là, de nombreux indicateurs permettront d’évaluer les chances d’Anne Hidalgo, en particulier les élections régionales de juin prochain. En effet, Audrey Pulvar, adjointe à la mairie de Paris, se présente en tête de liste de la gauche avec le projet « Île-de-France en commun » qui reprend évidemment le modèle du projet présenté pour l’élection municipale d’Anne Hidalgo en juin dernier « Paris en commun ». « Cette candidature, c’est Hidalgo qui reprend le PS francilien » affirme une opposante. Crash-test pour le camp Hidalgo ? Poisson pilote ? Dans tous les cas, la victoire d’Audrey Pulvar serait le signe d’une conjoncture propice à la candidature écolo-socialiste de l’actuelle maire de Paris pour la présidentielle de 2022. L’équipe d’Anne Hidalgo se structure donc et commence à inquiéter. « On a toujours tendance à la sous-estimer. C’est une tacticienne redoutable. […] Elle pourrait proposer un projet de société très différent du nôtre, très lisible et rassemblant la gauche. Elle est un adversaire bien plus dangereux que Xavier Bertrand. » s’inquiète un dirigeant macroniste. Ainsi, Anne Hidalgo serait-elle capable de remporter l’élection présidentielle de 2022 ? Rien n’est sûr pour l’instant comme l’affirme un de ses proches : « Aujourd’hui, il y a cinq ou six chances sur dix qu’elle se présente. Et deux sur dix qu’elle gagne. »
Article écrit par Philippine Davied
Responsable du Pôle Éditorial de Tribunes ESCP 2021