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Présidentielle 2022 : Montebourg battants vers la victoire ?


À un peu plus de six mois des présidentielles, la gauche française apparaît plus fracturée que jamais entre des candidats très divers. Parmi eux, Arnaud Montebourg, bien connu des Françaises et des Français, est bien décidé à damer le pion au champion de la droite en se qualifiant pour le second tour. Pour cela, exit les vieilles recettes : l’ex socialiste s’appuie sur des propositions fortes, un discours optimiste et une position idéologique neuve. Le Nivernais souffle un vent d’air frais dans cette campagne et apparaît de plus en plus comme une alternative séduisante.


Arnaud Montebourg à l'Emission Politique sur France 2

Source : France 2


I. Profil


Itinéraire

Du haut de son mètre quatre-vingt sept, Arnaud Montebourg a le physique pour s’inscrire dans la lignée des grands de France dont faisaient partie feu Giscard d’Estaing, Jacques Chirac ou encore notre cher Général. D’ailleurs, De Gaulle ne renierait pas toutes les idées de cet homme de gauche : le sauvetage de l’industrie française via la promotion massive du made in France, la volonté de restaurer la souveraineté nationale et celle d’accéder à la pleine indépendance, comprenez démondialiser, sont des éléments sur lesquels ces deux hommes que tout oppose auraient pu s’entendre.


Malheureusement pour lui, son aura n’est pas de la même nature que celle du grand Charles : la marque Montebourg est encore une jeune pousse.


Pourtant brillant, cet avocat de formation, passé par la Sorbonne, l’IEP de Paris et l'INSEAD n’a pas trouvé la clé pour s’imposer comme un acteur central de la gauche française. Pire même, il perd la primaire de 2017 dès le premier tour derrière Manuel Valls et Benoît Hamon, dont le second, vainqueur, signera le pire résultat de l’histoire du parti aux présidentielles. Une catastrophe. Montebourg était alors perdant parmi les perdants.

Cette claque l’amène à se mettre en retrait de la scène politique durant le mandat Macron. Fin 2018, il lance sa marque de miel Bleu Blanc Ruche, une entreprise engagée pour le repeuplement des abeilles et la défense de l’artisanat français. Un projet qui raisonne avec ses promesses de campagne : on y retrouve notamment son attachement pour le monde rural et sa volonté de défendre le made in France. Ses rares déclarations laissent alors à penser que la politique est derrière lui.


Il signe son retour aux affaires avec la publication de L’Engagement, aux éditions Grasset, le 4 novembre dernier. Un ouvrage dans lequel il éclaire de son expérience la face cachée de la vie des hommes de pouvoir, et s’émeut des grands échecs industriels du quinquennat Hollande dont le plus marquant serait sans doute, selon lui, la vente des turbines arabelles, alors fabriquées par Alstom, aux américains. On y découvre le chemin de croix qui l’a amené à porter, aujourd’hui, ce projet de candidature. Le Montebourg cuvée 2022 n’a plus grand chose à voir avec le ministre qu’il était sous François Hollande.


Et il n’y a pas que l’homme qui a changé, les méthodes changent elles aussi. Son échec prématuré d’il y a cinq ans en tête, il annonce, à l’occasion d’un rassemblement dans sa ville natale de Clamecy ce 4 septembre, sa candidature en précisant qu’il se refusait à prendre part à une éventuelle primaire de la gauche.


Il y aura bien un bulletin Montebourg le 10 avril prochain.



Arnaud Montebourg et son entreprise Bleu-Blanc-Ruche

Source : Les Échos


II. Un présidentiable ?


Pronostic

Le boulevard qui existait au sein de la gauche modérée depuis le renoncement de Benoît Hamon et des autres cadors du PS s’est subitement bouché depuis qu'Anne Hidalgo a officialisé sa candidature le dimanche 12 septembre. Montebourg peut bien s’imaginer en homme providentiel des gauches, il faudra d’abord s’imposer face à la maire de Paris.


D’autant plus que ces candidatures, dans le flou socialiste, risquent de souffrir de la montée en puissance des écologistes dans le paysage politique et qu’Anne Hidalgo apparaît comme la mieux armée pour créer un consensus avec les Verts. Mélenchon, quant à lui, est toujours déterminé à faire capoter une éventuelle union des gauches en promettant qu’il ira jusqu’au bout.


Même s’ils sont très imprécis, les sondages nous renseignent sur les niveaux de popularité. Ainsi, si Montebourg ne se présentait pas au premier tour, Yannick Jadot serait crédité de 7% des voix tandis que Jean-Luc Mélenchon serait à 9% et Anne Hidalgo autour de 6%. S’il se présentait, il grignoterait environ la moitié des électeurs de la maire de Paris et arracherait le match nul. Mais la campagne démarre à peine et il faut encore du temps pour anticiper les vraies dynamiques à l'œuvre de ce côté-là de l’échiquier politique.


Néanmoins, et quand bien même s’il s’imposait à gauche, rien ne laisse à penser qu’il pourrait atteindre le second tour. Les observateurs s’accordent presque tous sur ce constat : cette élection se jouera entre le parti présidentiel et la droite.



Remonter

Heureusement, Montebourg a bien choisi son mantra de campagne. La remontada. À défaut d’être dans la peau d’un prétendant crédible à l’Élysée, il a choisi de muer. Exit le socialiste convaincu, place à l’homme de gauche au-delà des clivages. Il déclarait notamment, le jour de l’annonce de sa candidature : « Les partis de droite ne savent pas vous protéger contre les injustices, les partis de gauche ne savent pas vous protéger contre l’insécurité». La référence à l’insécurité n’est pas anodine tant elle est bannie du langage traditionnel à gauche. Par là, Montebourg cherche à s’ouvrir un espace politique au-delà des sympathisants de feu son parti.


Cette stratégie est un mal nécessaire. D’abord parce que, suite à l’explosion du clivage gauche/droite, un candidat sous étiquette PS n’a plus de passe deuxième tour. Rester dans le cadre n’offre aucune garantie, en témoignent les résultats de 2017 et les derniers sondages. Cette sortie de route lui permet de se positionner judicieusement en tant que porte-parole du patriotisme économique de gauche, à l’opposé de la politique libérale d’Emmanuel Macron. Mais on peut aller plus loin dans l’analyse de la stratégie Montebourg. Références à l’insécurité, appétence pour le souverainisme, dialogue sur l’identité nationale et débat sur d’éventuels quotas en matière de politique migratoire : l’appel du pied à l’électorat de la droite est à peine subtil. D’ailleurs le Figaro ne s’y trompe pas en titrant, le 25 août, Immigration : la fermeté d’Arnaud Montebourg. Enfin, n’oublions pas que son mantra de

campagne, la remontada de la France, est pensé pour mettre en lumière un hypothétique déclassement de notre beau pays, sujet traditionnellement associé aux conservateurs. Pas de conclusions hâtives, ce mitterrandien convaincu n’a pas retourné sa veste mais a bien compris qu’une partie des votants votent par dépit : l’électorat contemporain est un électorat mouvant. Il compte bien le faire se déplacer de droite à gauche.


Ces éléments permettent de mieux cerner l’idée qui germe dans la tête de l’ex-socialiste : rassembler parmi les exclus de la mondialisation, ces anti-Macron de la France jaune, rurale et populaire qu’ils soient insoumis ou zemmouriens. D’ailleurs ce n’est pas un hasard si, pour ouvrir son discours de Clamecy, il a choisi de faire raisonner Que je t’aime de Johnny Hallyday. Quoi de plus populaire que feu notre rockstar nationale ? Montebourg sait à qui il veut parler, et fait tout pour se faire entendre. La remontada, si elle existe, passera par la mobilisation massive de ces Français là. Encore faut-il qu’ils votent pour lui.



III. La France de Montebourg


Le plan

Montebourg a deux atouts pour faire la différence à gauche : le premier c’est qu’il est populaire. Il sait écrire et est, avec Nicolas Sarkozy et Bruno Le Maire, l’un des auteurs d’essai politique les plus suivis. À titre d’exemple et parce que nous l’évoquions tout à l’heure, son essai l’Engagement s’est vendu à plus de 20 000 exemplaires. Une performance.


Le second, c’est l’originalité et la puissance de son programme. Outre la très classique promesse d’une “revalorisation massive des salaires", c'est un homme d’idées qui s’engage sur des propositions originales, fortes et clivantes. Il prévoit notamment d’investir massivement dans de grands projets industriels : il promet 1 milliard d’euros pour fonder “un nouvel Alcatel de la 5G”, souhaite renationaliser les autoroutes et planifie la fin du pétrole d’ici 20 ans grâce à des technologies d’avenir.


Il souhaite également permettre ce qu’il appelle un retour à la terre : une solution pour offrir des logements situés en zone rurale à des citoyens français. Il pose pour cela trois conditions : ne pas être propriétaire, remettre les habitations en état et y vivre durablement. Lors de son discours de Clamecy, il mentionne le chiffre d’un million de logements inhabités susceptibles d’être rachetés par l’Etat dans le cadre de ce projet. Il se positionne également en faveur du service militaire qu’il considère, entre autres, comme une bonne expérience de “la vie au grand air”.


Autre point qui dénote avec le tout à l’Europe des socialistes propre à François Hollande, il souhaite s’affranchir de la primauté du droit européen sur le droit national. Il déclarait notamment à l’occasion de son discours de Clamecy: “les réglementations européennes pourront être amendées et modifiées par le Parlement français exprimant en dernier ressort la souveraineté nationale”.


Enfin, comme nous l'évoquions précédemment, l’ancien socialiste est prêt à ouvrir la boîte de Pandore sur des thèmes associés traditionnellement à la droite française : insécurité, quotas d’immigration ou encore critiques de la culture de la dénonciation et du courant “woke”. Il faudra tout de même scruter ses déclarations dans les prochaines semaines pour voir si oui ou non il ira jusqu’à en faire des promesses de campagne.

Arnaud Montebourg et son nouveau mouvement, Remontada Créateur : JEAN-PHILIPPE KSIAZEK | Crédits : AFP



Limites

L’esquisse du programme Montebourg laisse apparaître deux tendances : la première, c’est la volonté d’accroître massivement la participation de l'État à l’effort industriel du pays alors que les précédents gouvernements, depuis le tournant de la rigueur, se sont attachés à faire l’inverse. Ce point laisse en suspens la question du financement dans une France surendettée : où trouver l’argent pour renationaliser les autoroutes, augmenter les salaires ou bien créer de toute pièce des champions technologiques ? Certes, cette recette fonctionnait pendant les Trente Glorieuses, mais la conjoncture économique actuelle n’a plus rien à voir. Montebourg refuse pour l’instant d’évoquer les questions de fiscalité ou d’annulation de la dette, mais pour financer ses propositions, il devra forcément s’y pencher ou trouver une alternative.

La seconde, c’est le souhait d’une France pleinement autonome et souveraine. De la même manière que le point précédent, l’ex-socialiste est à contre-courant de ce qu’il se passe depuis les vingt dernières années. La crise de la covid-19 a d’ailleurs révélé les faiblesses structurelles de l’économie française et a montré au monde entier notre dépendance aux produits manufacturés chinois. Au-delà de la dépendance économique, il est un peu illusoire de croire que la France peut s’affranchir si facilement de la primauté du droit européen comme le propose l’avocat de formation. Il faudra attendre également des propositions concrètes de ce côté-là pour mesurer la pertinence et la crédibilité du projet Montebourg.



Article écrit par Raphaël Bodin Tribunes mandat 2021


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